36e CdF Carabine 300 m
  • 19 au 22 septembre 2013
  • Championnats de France
  • Saint-Jean-de-Marsacq (AQU)
  • 0240003 - TIR SPORTIF COTE D’ARGENT

Championnat de France 300m : Zoom sur ...

Zoom sur … le rechargement des munitions avec Michel GOBERVILLE

Le prix élevé des cartouches pour le tir à 300 m est bien souvent un frein à la pratique de cette discipline, limitant ainsi le nombre de pratiquants. Il existe pourtant un moyen de réduire considérablement les coûts à ce niveau, en rechargeant soi-même ses cartouches. Afin de renseigner les tireurs avides d’informations à ce niveau et répondre à certaines idées reçues, nous avons interrogé Michel GOBERVILLE, ancien tireur de l’Équipe de France et bien connu des pas de tir, afin de nous faire profiter de son expérience de cette technique particulière que les armuriers connaissent bien.

Michel, tu es tireur de 300 m depuis de nombreuses années. Peux-tu nous dire depuis combien de temps recharges-tu tes cartouches pour le 300 m ?

MG: Tellement que j’ai oublié ! Plus sérieusement, j’ai commencé le 300 m au début des années 80, et à cette époque j’ai tout de suite commencé à recharger puisque, déjà, l’achat de cartouches manufacturées n’était pas envisageable pour moi financièrement. De plus les structures 300 m en France étant très peu développées, le rechargement s’est donc imposé comme une évidence ; un peu de manière empirique au début, en piquant des informations de tous bords venant de personnes ayant une certaine expérience dans ce domaine, notamment les tireurs de l’EIS qui eux aussi rechargeaient leurs cartouches. Quelques documentations écrites, comme le « Malfatti » étaient pour nous une source d’informations privilégiée à ce moment-là (internet n’existait pas !), notamment en ce qui concerne les doses de poudre. J’ai par la suite beaucoup échangé avec les tireurs de Bench-Rest, qui sont des personnes qui optimisent leur matériel encore plus que nous, de par la nature de leur discipline (j’ai une pensée notamment pour Jean-Louis Espinet qui a été une importante source d’informations à ce sujet).

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Une question que beaucoup de tireurs doivent se
poser: une cartouche rechargée est-elle plus précise qu’une cartouche
manufacturée ?

MG: En termes de précision, pour moi une cartouche rechargée peut être au moins aussi précise, voire même plus précise qu’une cartouche manufacturée, parce qu’on a la possibilité de jouer sur les quatre éléments du rechargement à savoir: l’étui, l’amorce, la poudre et l’ogive, ceci afin de les adapter en fonction des caractéristiques de l’arme (spécificités des calibres, pas de rayures, usure des rayures du canon). Ceci dit, je ne tire pas à boulets francs sur les cartouches manufacturées, des tireurs ont déjà fait 600 avec, il n’y a pas de problèmes au niveau de la précision, mais je pense qu’on peut encore faire mieux et pour moins cher.

Comparée à une cartouche manufacturée, à quel prix
revient une cartouche rechargée ?

MG: En termes de coût, aujourd’hui une cartouche manufacturée à par exemple le 6 mm à vaut environ de 1,50 € à 1,60 €, voire même 1,80 € dans certains cas. Avec une cartouche rechargée, on peut descendre les coûts à 0,50 €, en achetant les composants aux meilleurs tarifs. Cela sans compter l’achat des étuis, tout en sachant qu’un étui peut être récupéré et rechargé de dix à quinze fois sans problème. Je pense que dans un championnat comme celui-ci, s’il n’y avait aucune possibilité de rechargement, 70 % des tireurs ne viendraient plus. Néanmoins, on n’a pas besoin de tirer autant de cartouches que pour la saison 50 m, un bon entraînement au 50 m permet de toute façon de remplacer une séance au 300 m bien plus chère.

Quels sont
éléments principaux à recharger dans une cartouche ?

MG: Il faut déjà l’étui (qui doit être adapté au calibre), la poudre, l’amorce, et l’ogive. Ces quatre éléments vont devoir être adaptés au calibre que l’on va tirer: à la fois l’étui et l’ogive, mais aussi la poudre, car il faut savoir qu’il existe différentes poudres, qui au moment de la mise à feu feront augmenter la pression plus ou moins vite à l’intérieur de l’étui. Attention donc à utiliser le même modèle de poudre pour recharger ses cartouches et ne pas la mélanger à d’autres poudres qui auront d’autres caractéristiques. Il est préférable de se reporter aux références données par les fabricants qui indiquent, pour un calibre, un éventail de poudres bien précis, ainsi qu’une fourchette de charge de poudre pour l’ogive.

Il y a donc des précautions à prendre pour recharger une
cartouche ?

MG : Oui, au niveau de la charge de la poudre dans l’ogive, il y a donc cette fourchette de charge indiquée par les fabricants en-dessous de laquelle il ne faut pas descendre et au-dessus de laquelle il ne faut pas monter. Dans les deux cas le danger c’est la surpression. On a toujours tendance à penser qu’il y aurait surpression quand on met trop de poudre. Or on peut aussi avoir une surpression si on ne met pas assez de poudre, parce que selon le rapport de volume de poudre à l’intérieur de l’étui par rapport au volume de l’étui, s’il n’y a pas assez de poudre, cela va augmenter très fort en pression. Pourtant une poudre en elle-même n’est pas dangereuse: si on l’enflamme, il n’y aura qu’une grande flamme. Elle devient dangereuse à partir du moment où elle se trouve confinée dans un volume restreint, ce qui fera monter la pression. Donc être très vigilant avec les bidons de poudre quand on en utilise plusieurs: ne pas les mélanger entre elles, les laisser dans leur bidon d’origine. Privilégier l’achat d’un gros bidon de plusieurs kilos, pour avoir le même lot de fabrication pour les cartouches que l’on va recharger. Vérifier avant de commencer à recharger que j’utilise la bonne poudre, le bon poids de balle, et bien sûr que j’ai bien étalonné ma balance avant de recharger, puisque les mesures de charge dépendent d’elle, que ce soit en grammes (EU) ou en Grains (UK). Néanmoins, il est utile de préciser que contrairement à nos amis pistoliers, nous ne risquons pas la « double dose », car pour cela il faudrait que le volume de poudre dépasse le volume de l’étui.

Quel est le matériel nécessaire à acquérir pour
recharger les cartouches ?

MG : D’une part les composants « consommables »: l’amorce, la poudre, l’ogive et l’étui. D’autre part le matériel spécifique aux opérations de rechargement:

  • une presse: elle va permettre le désamorçage et le recalibrage des étuis. Pour l’amorçage, on peut également utiliser un amorceur à main. Pour le recalibrage, on va pour cela installer un outil de recalibrage, dimensionné par rapport au calibre que l’on utilise. L’idée étant qu’au départ du coup dans la carabine, l’étui va se gonfler un petit peu (au niveau du corps mais surtout du collet). Donc on va recalibrer l’étui, c’est-à-dire lui redonner sa dimension originelle pour pouvoir remettre une nouvelle ogive. Ce recalibrage peut être intégral (on reforme le corps et le collet de l’étui) ou partiel (haut du collet de l’étui) si on réutilise les mêmes étuis pour la même arme. Cette opération est indispensable, sinon l’ogive ne sera pas tenue au collet et tombera au fond de l’étui,
  • un jeu d’outils: adapté au calibre des cartouches que l’on souhaite recharger. Il comprend trois parties: les outils de recalibrage intégral, les outils de recalibrage partiel et enfin l’outil de positionnement de l’ogive. Ce dernier permettra d’enfoncer l’ogive le plus droit possible et surtout à la bonne dimension, par rapport à ce qu’on recherche sur son calibre,
  • un système de nettoyage des étuis: il peut être manuel, à ultrasons ou bain de coquilles de noix. Il permet d’éliminer les résidus de poudre, essentiellement pour ne pas abîmer les outils de recalibrage pendant le rechargement,
  • une petite brosse: pour nettoyer le logement d’amorce (enlever les résidus d’amorçage),
  • des produits dégraissants: une fois les cartouches reconditionnées, on va dégraisser celles-ci dans un bain, afin d’éviter les éventuelles surpressions liées à la graisse qui bouchent les issues des gaz,
  • une doseuse: elle va permettre de donner une dose de poudre prédéterminée, mais relativement imprécise (quelques dixièmes de grammes près),
  • une balance de rechargement : elle va permettre par une pesée, de confirmer ou d’affiner la dose de poudre établie par la doseuse. Depuis une dizaine d’année, on trouve beaucoup de balances électroniques qui se stabilisent très vite et donnent une précision au dixième voire au centième de gramme, largement suffisante pour nos opérations. Néanmoins, il n’est pas nécessaire de pinailler sur l’équilibre de la balance ou sur un centième de gramme, car selon les tireurs de Bench, ce qui est important n’est pas tant la charge de poudre mais le volume occupé par celle-ci dans l’ogive, qui a une influence directe sur le volume d’air dans l’étui et donc sur l’énergie dégagée par la poudre.

On peut également afin de vérifier la qualité de rechargement, s’équiper d’un mesureur de vitesse en sortie de bouche du canon pour mesurer la vitesse initiale des cartouches, afin de s’assurer de la régularité de celles-ci. La régularité peut venir de la qualité du rechargement, mais aussi de la qualité de la poudre qui peut délivrer, en fonction de la façon dont elle a été fabriquée, des pressions différentes. On peut en mesure ultime s’équiper d’un comparateur pour détecter sur les cartouches finies un éventuel enfoncement d’ogive qui pourrait la déséquilibrer au départ du coup (même si ce phénomène n’est pas véritablement avéré et relève plus des idées reçues et croyances de chacun).

A combien reviendrait le prix de l’ensemble du matériel
de rechargement pour un tireur voulant s’équiper ?

MG : Pour commencer, je dirais qu’avec 250 € on a de quoi très bien s’équiper. Le plus important pour moi est le jeu d’outils: en prendre un de qualité qui va être de bonne cote et qui va permettre d’envoyer les ogives d’aplomb ; pour la presse, ce n’est jamais qu’un élément mécanique et pour les calibres qu’on utilise, pas besoin de grosse presse, des choses très simples. Au niveau de la balance, on peut avoir quelque chose de très précis avec des balances électroniques mais les balances mécaniques marchent très bien aussi. On trouve aujourd’hui des kits de rechargement tout prêt (presse, doseuse, balance) vendus par des fabricants comme RCBS ou autre, pour environ 200 € ; on rachète un bon jeu d’outils pour 100 €. Donc avec 300 € on acquiert un matériel qui va durer très longtemps (j’ai toujours la même presse depuis que je tire et c’est pourtant la presse la plus simple possible). Au niveau de la doseuse, l’intérêt d’avoir une bonne doseuse est d’avoir des doses plus régulières, ce qui nous évitera d’avoir à trop ajuster la dose avec la balance ensuite.

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Y a-t-il des endroits à
connaître pour pouvoir s’équiper ?

MG : Le matériel de rechargement propre peut être trouvé en armurerie ou chez les armuriers spécialisés en compétition, par correspondance. Pour les composantes de rechargement, malheureusement il n’y a pas d’armurier en France spécialisé en rechargement à des prix compétitif. On peut trouver dans les régions frontalières le même matériel pour des prix plus intéressants. Par contre, on peut trouver de la poudre, des amorces et des ogives sans problèmes en France, à prix un peu plus élevé (on passe de 0,50 € à 0,60 € ou 0,70 € la cartouche) ce qui reste tout de même très avantageux par rapport aux cartouches manufacturées.

En termes de temps, combien
dure une séance de rechargement ?

MG : Pour quatre-vingts cartouches, on peut passer environ 2 heures à 2 heures 30. Après, beaucoup de gens passent énormément de temps parce qu’ils multiplient les opérations et parfois des opérations pas forcément nécessaires ; on peut compliquer à l’extrême, mais le gain ne sera pas forcément significatif.

Peut-être as-tu quelques conseils à donner en ce qui
concerne la planification du rechargement pendant la saison ?

MG : Il faut se méfier de vouloir trop recharger les cartouches à l’avance, en gardant les cartouches rechargées pendant plusieurs années. Pour l’avoir expérimenté à même avec des cartouches manufacturées -, j’ai observé des phénomènes de corrosion à l’intérieur de l’étui, et une poudre qui va s’oxyder, voire même se liquéfier. Et là on peut avoir de belles surprises de surpression, j’ai expérimenté ça cette année… Donc ne pas conserver longtemps ses cartouches, certains tireurs le font, mais je trouve que c’est une aberration de dire « cette année je vais tirer mille cartouches, donc en janvier j’en recharge mille ou mille deux cents, et puis je les tirerai dans l’année. » On est tranquille c’est sûr, mais il peut se passer des tas d’évènements qui vont faire qu’en cours de saison, j’aurai besoin d’ajuster mon rechargement parce que ma prise de rayures a changé, parce que mon lot de poudre n’était pas bon. Un canon qui lâche en milieu de saison et on se retrouve avec un stock de cartouches que l’on ne pourra pas utiliser, car avec le prochain canon le chambrage sera différent, donc il faudra recalibrer toutes les cartouches.

Merci beaucoup Michel, et bons tirs !

Pour plus d’informations au sujet du rechargement, les manuels de rechargement de René Malfatti sont une source d’information conseillée.

Interview d’Émilien CHASSAT, jeune Cadet de la Société d’Escrime et de Tir de Bitche (Lorraine)

Émilien, tu as réalisé une très belle saison cette année, avec un titre de champion de France en 3 x 20, une médaille d’argent en 60 balles couché et une très belle 4e place au 3 x 40 chez les Juniors. Quel a été le match le plus marquant pour toi cette saison ?

EC : Mon titre de champion de France au 3 X 20, où j’ai réalisé dix-huit points de plus que le second, que je connais bien. Je me suis bien entraîné toute l’année c’est vrai, mais je ne m’attendais pas à réaliser un aussi gros match dans un aussi grand jour…Mais j’ai réussi à me faire plaisir, surtout au debout que j’ai trouvé presque facile à tirer.

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Tu viens juste d’entrer au pôle France Juniors de Strasbourg. Comment se passe cette rentrée ?
EC : Ça se passe très bien, l’ambiance est bonne. Pour l’instant je ne tire pas, je fais beaucoup de préparation physique, ce qui me permet de m’habituer à ce nouveau rythme de vie.

Quelles sont tes ambitions pour cette nouvelle saison sportive ?
EC : Il y a les championnats d’Europe, mais j’aimerais aussi tirer les compétitions internationales comme Suhl par exemple. Il y a une compétition que j’aimerais bien faire, c’est Dortmund, parce que j’ai toujours voulu tirer dans un stand indoor, et j’ai vu quelques photos, ça à l’air sympa.

Ces championnats de France sont ta première compétition officielle à 300 m. Comment es-tu arrivé à cette discipline ?
EC : Je suis arrivé au 300 m par mon père (Roger CHASSAT). Depuis tout petit je venais à Saint-Jean et cette année j’ai décidé de concrétiser, car ça faisait plusieurs années que je voulais tirer à 300 m. Mon père m’avait fixé comme contrat pour pouvoir tirer à 300 m le faire de réaliser 590/600 au 60 balles couché à 50 m, et 580 au 10 m cette saison, ce que j’ai réussi à faire.

Qu’est-ce qui t’attire dans la discipline du 300 m ?
EC : Petit, c’était le bruit. Toujours maintenant d’ailleurs ; et l’ambiance, la convivialité, comme le championnat de France 300 mètres est plus petit par rapport au 10 m ou au 50 m. Aussi parce que c’est dans le Sud…

Comment as-tu vécu ce premier match « officiel » à 300 m ?
EC : Avec plaisir, même si le temps n’était pas top… En tout cas ça m’a beaucoup plu et ça me donne envie de revenir l’an prochain.

Avais-tu déjà eu l’occasion d’essayer le 300 m auparavant ?
EC : j’avais tiré le match régional et dix coups quelques jours avant.
J’arrive à gérer le bruit, mais j’ai un peu de frayeurs pour le recul parfois… Je ne tire qu’au couché pour l’instant, mais j’ai hâte d’essayer le genou !

Trouves-tu le 300 m plus difficile que le 50 m ?
EC : Je fais bien attention à regarder ma cible en tout cas !

Que conseillerais-tu à des jeunes qui hésitent à essayer le 300 m ?
EC : Je leur dirais de se lancer et de n’avoir peur ni du bruit ni du recul. Et de se faire plaisir !

Merci Émilien, et bons tirs !

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