David Auclair, le « dernier » des Bleus est ambitieux !

Le tireur des Hauts de Seine de 51 ans a obtenu le dernier quota qualificatif de la délégation France ! Fin août, il disputera ses premiers Jeux Paralympiques. Il sera le seul pistolier chez les para-tireurs Bleus. Sa préférence ? La vitesse. Pas le temps de gamberger. A l’instinct.

Il faut s’enfoncer dans le quartier de la Défense, se sentir tout petit au milieu des immenses tours. Marcher au milieu de ce labyrinthe de gratte-ciels, de dalles de béton, prendre des ascenseurs. Puis descendre un escalier, à quelques centaines de mètres du fameux quartier d’affaires, au pied d’un immeuble blanc. L’entrée est là. La Société Courbevoisienne de tir s’est fait une petite place dans cette fourmilière de l’ouest parisien. Et ce n’est pas fini. Descendre encore, plus bas. Un dédale de portes. Derrière l’une d’elle, un magnifique stand de tir à 10m. Puis celui à 25m. Un peu plus ancien. Les cibles sont en papier et pivotantes. David Auclair, président du club, chauffe son bras de déménageur.

« Mon emploi du temps s’est accéléré, ces dernières semaines ! Je ne suis certain de disputer les Jeux Paralympiques de Tokyo que depuis début juillet… »

En effet, lors du tournoi pré-qualificatif de Lima, au Pérou, mi-juin, il obtient les minimas, pour sa première sortie officielle. Mais pour valider définitivement sa présence à Tokyo, il doit réussir deux fois ces minimas ! Il part donc en Serbie pour un ultime défi et … le remporte en tirant parfaitement pour obtenir ce qu’il est venu chercher ! A un mois, à peine, des Jeux, David Auclair est enfin certain de vivre sa première olympiade.

De retour en région parisienne, il doit organiser son emploi du temps, qui devient, tout à coup, bien rempli ! Entrainements, tests médicaux, stage dans le Jura, puis quelques jours de repos en famille dans les Landes, puis stage à Toulon, puis retour dans les Landes récupérer tout le monde, puis Paris puis… Tokyo!

« Je suis très fier de disputer ces Jeux mais cette qualification obtenue in extremis m’ôte un peu de pression. Néanmoins, je suis un battant, je n’y vais pas en me disant « cinquième ce serait bien ». J’ai un boulot à faire, c’est gagner. »

Et il s’est conditionné en mode olympique !

« A Prémanon, dans le Jura, il a battu deux fois son record de Lima, obtenu seulement quelques semaines plus tôt ! Il est meilleur à chaque sortie, chaque entrainement. Il est très à l’écoute, conscient que nous le faisons progresser », affirme Martial Chaussé, manager des Equipes de France et entraineur du groupe Elite pistolet.

C’est justement Martial Chaussé qui remarque, il y a quatre ans environ, David Auclair. Ce dernier est alors carabinier, il stagne, ne semble pas pouvoir atteindre un niveau suffisant pour rejoindre les meilleurs. Martial Chaussé lui propose le pistolet. Il y a moins de concurrence et l’occasion de prendre une place parmi les meilleurs. David Auclair change d’arme même s’il ne la découvre pas complètement puisqu’il en faisait en parallèle de la carabine. Il évolue avec le groupe Relève puis rejoint les A.

« Il a des aptitudes au pistolet. Il est adroit, il va à l’essentiel et est plus à l’aise dans une dynamique de vitesse. David est un tireur d’instinct », poursuit Martial Chaussé.

Le Président quitte ses fonctions

David Auclair s’épanouit dans le pistolet 25m. Une partie précision, dans laquelle il faut prendre le temps de tirer cinq cartouches en cinq minutes. Mais il n’utilise pas tout ce que lui offre le chrono. En deux minutes trente, c’est réglé. C’est son rythme. Puis il y a la partie vitesse. Qu’il préfère, évidemment. Elle lui rappelle peut-être ses premiers tirs. Lui, le petit fils de forain, qui avait stand de tir ouvert et offert dans toutes les fêtes foraines, car il faisait partie de la grande famille. Cet univers, familier a été son refuge vers lequel il s’est tourné, après son accident. De moto, à 24 ans. Il était alors mécano deux-roues, justement. Grosses cylindrées, forcément. Il devient paraplégique incomplet c’est-à-dire avec des sensations, notamment aux jambes, mais insuffisantes. Il a beaucoup de mal à remonter la pente.

« Tout s’est écroulé. Je n’avais plus de boulot, plus d’envie. Puis j’ai décidé de me reprendre en main. De m’occuper, de me canaliser.  J’ai tapé à la porte du stand de tir de ma ville de Courbevoie. »

Courbevoie, banlieue qui jouxte La Défense, c’est chez lui. Il y habite depuis ses quatre ans. Un univers rassurant. Et le club l’accueille. Il est comme une bouée. Puis le tir devient sa passion. David Auclair s’y plaît tellement qu’il ira jusqu’à prendre la présidence de la Société Courbevoisienne de Tir en 2017 ! Mais Martial Chaussé lui a demandé, il y a quelques mois, de renoncer à ses fonctions, pour se consacrer exclusivement à son immense défi des Jeux. Car il se dispersait trop.

« Il y a beaucoup de tâches administratives lorsqu’on gère un club. Par exemple, le renouvellement des autorisations de tir, les inscriptions. Il faut aussi être présent, assurer les relations publiques avec les adhérents. Et comme je suis assez calé sur le matériel, je répare leurs armes qui ont un problème. J’ouvre et ferme le plus souvent le club. C’est un métier en soi mais bénévole ! », confirme David Auclair.

Ces derniers mois, il a pu lever le pied compte tenu de la situation sanitaire. Il est souvent seul dans le sous-sol. A son porte-clefs, une dizaine de clés. Pour ouvrir les stands, la salle de réunion, celle du matériel. David est partout. Jamais tout seul. Son petit chien Jayanne, un shitzu croisé avec un lassa apsu le suit comme son ombre et reste caché sous le fauteuil pendant les tirs.

Mais c’est un crève-cœur que de mettre un terme à sa fonction car le Parisien de naissance est fait pour être président !

« Il a besoin de monde autour de lui, il aime aller à la rencontre des gens, parler et notamment de sa discipline sur laquelle il est intarissable », raconte Carine, sa compagne, elle-même pistolière et arbitre de niveau régional.

Il connaît la recette

Mais la décision est prise et il ne redeviendra pas président après Tokyo. Place à sa carrière de haut niveau. A partir de septembre, David Auclair ira autant au club, mais pour lui ! Après tout, il a d’autres passions qui l’occupent et auquel il consacrera peut-être un peu plus de temps. Sa fille, sa compagne Carine et sa belle-fille. Et … la cuisine.

« Je sais tout faire ! Cuisiner français, asiatique, africain. J’aime tout. Je n’appréhende pas du tout la cantine du village olympique ! »

Avec son ami Jean-Pierre Hollande, tireur lui aussi qu’il côtoie depuis plus de quinze ans, il partage le plaisir des bons plats.

« David est très fort pour préparer de la cuisine exotique. Et fait de très bonnes terrines. Mais même s’il aime manger, même si nous sommes beaucoup sortis pendant nos années de célibat, il restait toujours axé compétition. C’est un bon vivant mais il a des objectifs sportifs et se donne les moyens de les atteindre. »

Dans son jardin secret, David ne se bat pas que pour lui et les siens. Mais aussi pour celle qui n’est plus là. Une petite sœur, décédée en 2002. Elle avait 29 ans et était internationale de rugby.

« Ses blessures, comme son handicap, il n’en parle pas. C’est fait et c’est comme ça, comme un bon ou un mauvais tir. Il va de l’avant. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’a pas de cœur. Bien au contraire ! D’ailleurs, il a tellement donné pour les autres que c’est une bonne chose qu’aujourd’hui il pense un peu à lui », estime Jean-Pierre Hollande.

David Auclair espère surfer sur cette dynamique de résultats depuis quelques mois. Tout s’est accéléré. Et tant mieux.

« Il est excité à l’idée de participer à ses Jeux et c’est peut-être une bonne chose qu’il l’ai su tard car il n’a pas trop le temps de réfléchir. Si avait obtenu sa qualification plus tôt, il aurait stressé ! », affirme Carine.

L’ancien moniteur en école de tir est prêt à embarquer vers Tokyo après un été chamboulé. Il aurait préféré avoir Carine et du monde autour de lui. Mais il n’y pense plus. Il a un « boulot à faire ».

Écrit par Fabrice DAVID


Palmarès

Pistolet 25m

2021

6e – Grand Prix (Serbie)

6e – Coupe du monde (Pérou)

2019

Médaille de bronze – Championnat de France (Moulins)

2018

Médaille de bronze – Championnat de France (CNTS)

2016

Médaille de bronze – Championnat de France (Sens)

2015

Médaille d’or – Championnat de France (Dieuze)

2014

Médaille d’or- Championnat de France (Sens)

2013

Médaille d’argent – Championnat de France (Dieuze)

Pistolet 50m

2019

Médaille d’argent – Championnat de France (Moulins)

Carabine 10m debout

2017

Médaille de bronze – Championnat de France (Montluçon)

2016

Médaille d’argent – Championnat de France (Tarbes)

Carabine 10m couché

2016

Médaille de bronze – Championnat de France (Tarbes)

Carabine 50m couché

2015

Médaille d’argent – Championnat de France (Dieuze)

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