Carole Cormenier :Je vise le podium aux Jeux !

Athlète et mère de famille, la tireuse de fosse olympique Carole Cormenier est une femme de caractère, active et déterminée. Les JO, l’été prochain ? Elle les attend depuis longtemps et de pied ferme.

A 31 ans, elle est plus forte que jamais. Et quand elle se fixe un objectif… En effet, ses proches sont unanimes. Son point fort ? Sa détermination !

« Je suis une inquiète permanente ! »

Sur le pas de tir du TC Dubourdieu Cestas, au sud de Bordeaux, Carole Cormenier a pourtant le contact facile. Le check des coudes en mode crise sanitaire est franc et direct ! Dès le premier abord, l’impression est confirmée : Carole est une battante, sûre d’elle. Mais si elle est inquiète, c’est tout simplement comme toutes les … mamans.

Car Carole est mère d’une petite fille de 3 ans et poursuit pourtant, en parallèle, une carrière de sportive de haut niveau. Tous ces entrainements, ces heures de route, ces compétitions sont autant de temps de moins avec son enfant. Mais ce choix, Carole l’a assumé et le pari est réussi ! Car selon son propre aveu, elle n’a jamais aussi bien tiré que depuis que sa fille est née !

« Pourtant, j’ai arrêté totalement pendant un an, durant ma grossesse. Au premier coup de fusil après cette longue interruption, les sensations étaient bizarres. Avec quelques kilos en trop. »

Puis les automatismes sont revenus. Avec une nouvelle source de motivation. Loïc, conjoint de Carole, est un observateur privilégié du fonctionnement de la championne.

« Elle se dit que si, pour la compétition, elle sacrifie une partie de sa vie de famille, c’est pour rapporter des médailles ou des trophées et les montrer à notre fille, plus tard, comme de bonnes raisons de ces absences. Elle est aujourd’hui encore plus forte car elle ne se bat plus pour seulement pour elle. »

Même le père et premier entraineur de Carole avait des doutes.

« Je ne pensais pas qu’elle retrouverait aussi vite le haut niveau après la naissance de sa fille », s’étonne Serge Cormenier.

Carole Cormenier

©FFTIR/F.Chales

C’est justement grâce à papa que tout a commencé. Carole a alors 15 ans. Serge est tireur, lui-même à Pons, en Charente-Maritime. Il cherche une nouvelle activité pour sa fille qui vient d’arrêter le foot qu’elle a pratiqué pendant sept ans. Et pour une raison étonnante !

« Pendant toute ces années, j’ai été la seule fille dans des équipes de garçons. Il a fallu s’imposer mais les garçons m’ont aussi beaucoup protégée. Arrivée à l’adolescence, je n’avais plus droit de jouer avec eux. Comme je n’ai pas voulu intégrer une équipe de filles, j’ai laissé tomber. »

Pourtant, elle n’était pas loin d’intégrer un Sport Etudes !

©FFTIR/J.Heise

Serge propose donc à Carole, qui a délaissé le ballon, de tenter le fusil. Premier refus. Il insiste. Deuxième refus. Mais comme elle ne veut pas contrarier son papa, elle accepte à la troisième fois. Elle réalise un 8/25 dès ses débuts ! Performance rare pour un premier tir ! Comme quoi, les gènes…. Elle serait donc faite pour la discipline ? Il faut croire que oui ! Car le tir lui plaît. A peine deux jours plus tard, son père lui avait acheté son premier fusil. Un an plus tard, elle est sacrée, déjà, championne de France cadette en fosse universelle !  Entre-temps, Serge est devenu président du Ball Trap de Confolens. Carole est chez elle, au stand de tir !

Voyants au vert

La jeune fille mène de front le lycée dans un internat d’Angoulême et le tir le week-end. Le sport, l’internat. Pas facile. Mais elle est forte, endurcie par un drame, le décès de sa maman alors qu’elle n’avait que 13 ans. La progression est linéaire. En 2016, après plusieurs finales, il lui faut un déclic pour franchir une étape supplémentaire. Le déclic s’appelle Stéphane Clamens, nommé entraineur de l’équipe de France de fosse olympique après une carrière de haut niveau et quatre olympiades. Il lui apporte, notamment, beaucoup de sérénité.

« Carole n’avait pas assez conscience de ses capacités. Elle a eu confiance en moi, puis en elle-même. Ensemble, on lui a fait acquérir ce petit plus. »

Dès la première année avec Stéphane Clamens, Carole remporte sa première médaille. En bronze. D’autres suivront, dans un métal encore plus prestigieux.

« En 2019, elle faisait partie des trois-quatre meilleurs du monde. Depuis, il y a eu une année blanche. Et maintenant, un objectif important. Mais tous les voyants sont au vert… » poursuit Clamens.

©FFTIR – Mélanie Couzy, Stéphane Clamens et Carole Cormenier

Dans quelques mois, Tokyo. Ces JO, elle en a fait une obsession, au point que le report, l’été dernier « a cassé la mécanique », selon l’aveu de Serge. D’autant que sur les conseils de son entraineur, Carole avait changé de fusil en vue de cet objectif. Mais elle s’y est remise, encore plus, encore plus fort, au point de ne pas s’arrêter de l’hiver. Aujourd’hui, elle a le quota. Et une vraie ambition.

« Je peux faire un podium ! », dit-elle sans crainte de se mettre la pression.

Mais « l’inquiète permanente » est moins stressée par la compétition que par les à-côtés.
« Je me demande si je saurai digérer le décalage horaire, par exemple. Alors que pour l’aspect purement technique, le jour J, je ne m’en fais pas trop… »

« Elle voulait tellement y aller ! Elle s’est donnée les moyens de réussir. Elle me surprend encore par son envie. Je l’ai revu tirer récemment et elle est devenue une machine à casser du plateau », souligne Serge.

Le « bulldozer » est prêt. C’est ainsi que Stéphane Clamens surnomme affectueusement Carole. La raison ?

« Elle est une fonceuse. Son point fort, c’est la détermination. Mais il n’y a pas besoin pour autant de la freiner. »

©FFTIR

Entrainements, préparation physique et préparation mentale avec une sophrologue : toutes les conditions sont réunies pour cette nouvelle conquête. Pour la plus belle des compétitions.

Même si les Jeux sont synonymes d’une longue absence de la maison.

« Il ne faut pas l’embêter… »

« Je suis absente environ une centaine de jours par an. Mon conjoint et mon entourage se sont organisés pour gérer ma fille, qui va désormais à l’école. Même si je ne l’ai pas au téléphone, je sais que je peux entrer dans ma compétition. J’arrive à me dire « maintenant, c’est le tir » et laisser la famille provisoirement de côté. »

Grâce à Loïc, qui est toujours disponible et s’occupe de tout.

« Lors des compétitions, je la laisse tranquille. Si elle a besoin, elle appelle. Parfois entre les séries, pour donner son ressenti. »

La vraie source de stress, ce sont… les Italiennes ! Les adversaires les plus fortes. Et forcément, candidates aux plus hautes marches des podiums.

« D’un point de vue structure et encadrement, nous sommes un cran en dessous. En Italie, j’ai l’impression que les athlètes vont dans une école spécialisée tellement elles s’entrainent ! »

©FFTIR

Pour Stéphane Clamens, le fossé est encore grand.

« En Italie, dans un rayon de vingt kilomètres, vous trouvez cinq stands de tir. Carole, elle, doit faire une heure de route pour s’entrainer… »

Des structures à améliorer en France ? C’est justement la raison pour laquelle Carole Cormenier s’engage pour l’avenir de son sport. Et faire des propositions qui l’aideront à franchir des étapes. Elle a été élue, début février, au Comité directeur fédéral. Rares sont les jeunes qui prennent ces responsabilités. Qui plus est, des athlètes encore en activité.

« Je ne l’ai jamais dissuadée de rajouter encore cette occupation à son agenda. Elle s’engage pour son sport qu’elle aimerait voir plus reconnu », souligne Loïc.

Carole Cormenier est décidemment sur tous les fronts pour le tir. Le terrain, les coulisses et bientôt, le tableau noir. Titulaire d’un BEP de carrières sanitaires et sociales et du bac, la native de Limoges a en effet obtenu un brevet d’Etat pour enseigner.

« J’aime donner des conseils, transmettre mon expérience. »

Et Serge a eu des échos de « radio ball-trap », comme il dit !

« En 2018, elle a accompagné les tireurs de l’équipe paralympique en Coupe du Monde en 2018 et j’ai eu de très bons retours. Elle a le contact facile, elle conseille. Je la vois bien enseigner, plus tard. »

©INSEP

Carole est actuellement professeur de sport stagiaire à l’Insep, mais habite toujours près d’Angoulême et s’entraine soit à Châteauroux, soit à Cestas. Une maman battante, impliquée dans son sport, surmotivée pour les JO, qui ne laisse pas indifférent. Mais c’est, une nouvelle fois, son premier entraineur et père qui la résume le mieux.

« Elle est adorable mais il ne faut pas l’embêter sinon elle vous rentre dedans. Elle a un sacré caractère ! A part les jaloux, tout le monde l’apprécie ! »

Écrit par Fabrice DAVID


Palmarès

2020

Médaille d’or en coupe du monde Fosse olympique par équipe mixte (Chypre)

2019

Médaille d’or en coupe du monde Fosse Olympique (Emirats Arabes Unis)

Médaille d’argent aux championnats d’Europe Fosse Olympique par équipe mixte (Italie)

2016

Médaille de bronze en coupe du monde Fosse Olympique (San Marin)

2015

Championnats d’Europe : 3e par équipe

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